Louise-Maude Rioux Soucy
Dans l’isoloir tel concernant le plancher des bars, beaute et jeunesse ne font nullement le gabarit contre la logique commerciale adoptee via les danseuses erotiques les plus experimentees. Derriere le sourire avenant de celles-la se cachent Indeniablement de vraies gestionnaires pour qui les rudiments d’une fidelisation en clientele ou les points forts concurrentiels enseignes au sein des meilleures ecoles de gestion n’ont plus aucun secret.
L’organisme Stella ne cesse de le clamer bas et fort: les travailleuses du sexe ne sont gui?re des travailleuses opprimees, encore moins des victimes. En ce qui possi?de trait aux danseuses, le groupe forme «par des travailleuses du sexe pour des travailleuses du sexe» a impeccablement raison, estime une sociologue montrealaise, Shirley Lacasse, qui, pendant un an, a passe toutes ses soirees a observer le travail d’une trentaine de strip-teaseuses de deux bars en region de Montreal, l’un au centre-ville, l’autre en banlieue.
«On a nombre deplore le statut de victime ces filles-la, mais je crois que nous faisons fausse route. Mon analyse montre que, en faits, votre seront elles qui fixent des conditions de leur bricolage et que votre seront les meilleures gestionnaires qui reussissent le mieux», explique la chercheuse qui possi?de fait de cette piste la conclusion principale de sa these de doctorat, la ti?che des danseuses nues: au-dela du stigmate, une relation de service marchand sugardaddymeet gratuit, presentee avec succes a l’Universite de Montreal.
Sans strategies commerciales dignes de votre nom, les filles ne rapportent jamais gros sur les planchers des bars qui sont devenus de vraies jungles commerciales, note Mme Lacasse. «La plupart des danseuses sont des travailleuses autonomes qui ne vivent que grace a leurs pourboires, celles qui sont encore des salariees ne recoivent meme plus le salaire minimum, elles ont donc interet a se doter de strategies Afin de attirer le client et en tirer le meilleur parti.»
Mes premiers mois, Shirley Lacasse a d’abord ete etonnee de constater que les effeuilleuses qui avaient le plus de succes n’etaient pas celles qui etaient necessairement les plus sollicitees. La-bas, ce ne sont gui?re les jeunes qui cartonnent, ce paraissent les meilleures gestionnaires. «Bien sur, des jeunes paraissent interpellees moins rarement, mais elles ne savent jamais tirer parti de cette visibilite, souvent, elles vont gagner bien moins que leurs collegues plus agees.»
Dans le volumineux carnet de bord qu’elle noircissait l’ensemble des soirs, Mme Lacasse note que ce qui marche le mieux, c’est le marketing dans sa forme la plus pure. «Je me suis facilement apercue que celles qui utilisaient la maniere directe — mettre votre pied dans la porte, interpeller le client, faire valoir ses charmes physiques — avaient peu de succes. Celles qui s’en tiraient le mieux laissaient l’acheteur arriver, siroter le verre, discutaient et negociaient avec lui jusqu’a votre que celui-ci fasse le premier pas.»
Qu’elles fassent une danse a dix dollars ou non, la formule reste J’ai aussi, departageant des minces recettes (une cinquantaine de dollars) des revenus princiers pouvant atteindre nos 500 $ en quelques heures d’embauche juste.
«Je me suis rendu compte que J’ai fidelisation en clientele est capitale, car i§a constitue le gros de leurs revenus. Celles qui gagnent le plus personnalisent un approche. Elles s’interessent a l’homme plutot qu’a le porte-monnaie, lui offrent des privileges, ce que font en somme l’ensemble des petits vendeurs.»
Au fil des soirs, la chercheuse a reussi a etablir une relation de confiance avec quelques des danseuses qui se seront habituees a une presence discrete. Par ricochet, ce qui lui a permis de deboulonner quelques mythes tenaces. D’abord, celui d’la jeunesse triomphante alors que la moyenne d’age des effeuilleuses etait de 28 annees au bar montrealais ainsi que 35 en banlieue. Idem avec celui d’une femme peu scolarisee, le tiers des danseuses ayant etudie au cegep ou a l’universite.
Dans sa these comme en entrevue, Shirley Lacasse insiste, ces dames qu’elle a rencontrees ne sont gui?re des victimes, ce sont des jeunes filles en emplie possession de leurs revenus. Et dans le feu de l’action, ce paraissent elles qui tirent nos ficelles, juge Notre sociologue. «Je constate que les filles ont environ jeu qu’on le evoque. Elles ont le choix entre miser via une vision plus personnelle, dans la relation au client, ou de tout miser dans le geste sexuel, chacune deniche le rythme.»
La ti?che en lui-meme n’est pas reposant pour autant. Mes danseuses paraissent parfois exposees a la violence physique, elles doivent aussi essuyer des humiliations ou des transgressions de la part de certains clients qui rechignent a suivre les regles. «Nos informations laissent toutefois entendre que ces situations, exigeantes sur le plan d’la gestion des emotions, sont peu representatives du travail quotidien des danseuses», tempere votre sociologue.
Encore la, l’approche client fait toute la difference. «C’est en entrant individuellement en relation au milieu des clients que nos danseuses ont davantage le loisir d’echapper a la mauvaise reputation qui touche la danseuse typique, peut-on lire dans la these. Par la personnalisation des prestations, nos danseuses reussissent a se distinguer des autres et a s’eloigner des presuppositions communes qui touchent un metier.»
Mais si ces jeunes femmes tiennent en general les renes de leur relation avec le client, elles restent bien a la remerciements de leur employeur concernant le demeure, admet Mme Lacasse. «Sur le plan du marche, c’est bon que les danseuses ont perdu de nombreux i?tre capable de, surtout avec l’arrivee des danses a dix. Elles ne vont pas pouvoir pas a elles seules orienter le marche, ce seront nos proprietaires qui decident de ce qui aura lieu dans leur bar et elles doivent s’y plier.» Et ca, meme les meilleures strateges n’y peuvent que dalle.